Dépiction n.f. (du latin depictus)
Description saisissante, portrait, représentation graphique ou synoptique, compacte ou approximative, manière dont une chose est dépeinte.
Décrire l'infra-ponctuel, du point à sa disparition,
de l'être au néant...
Sous les hiéroglyphes du ciel, un moribond reçoit
Son obole et regarde, le visage ébloui,
L'enfant en retard qui lui a lancé sa gommette
Et s'est enfui. Au coin de la rue pavée de nuit,
L'enfant se retourne, s'arrête un moment essoufflé,
Mais le temps que l'homme se lève, se redresse,
Claudique et finalement s'affaisse,
L'enfant est déjà retourné chez lui.
Les yeux brouillés de larmes, immobilisé
Dans sa chute, l'homme regarde la gommette
Qu'il avait gardée serrée dans son poing.
Il sait que ce gage est sans doute sa toute dernière
Histoire d'amour, qui n'a duré que l'instant d'un regard,
Et que son obole est un gage d'adieu.
Étendu de tout son long sur l'asphalte et sous la nuit,
Posé là, indécent, irrémissiblement seul,
Il sent qu'il s'exténue peu à peu, las,
Et cherche encore à occuper quelque avenir proche,
Malgré ses paupières lourdes de pleurs.
Le froid l'enveloppe comme un second manteau,
Une fine pluie s'abat sur lui.
Le vieux referme son poing sur la gommette
Et replie son visage froissé sur son poing.
Il ne sent plus son corps derrière lui,
Mais croyant entendre un bruit relève
Sa tête vers le tournant au bout de la rue :
Il croit voir l'enfant qui est revenu, avec un parapluie,
Mais le vieux imagine. Il n'y a que des ombres.
Lorsqu'il regarde sans voir dans un effort convulsif,
Le cou tendu, la figure illuminée d'espoir,
L'Ombre fractale passe dans le regard
Du vieux qui s'effondre,
Terrassé.
Seul un amas de matière gise
Maintenant sur la terre déserte.
Extrait de la page 9 de Dépictions
Stéphane Étroit
Sans titre
Mai 2016
Dessin à emporter
Encre brune sur 256 Post-it
121,6x121,6 cm
© Les Ateliers de l'Esperluette – 2016>2024