Noirs d'Ivoire

6 7. > 6 9. 2014.


Marion Delage

Stéphane Étroit

Charles Gallissot

Bernard Gilbert

Isabelle Le Morvan

Thierry Perrot

Étienne Rivière

Le noir d’ivoire est une couleur. Os calciné puis broyé, le pigment obtenu se teinte subtilement d’un voile jaune. Les artistes présents dans l’exposition convoquent le thème, du charbon à l’état brut au charbon comme outil en passant par l’état noir de la céramique avant l’étape de la fusion. La dimension symbolique des éléments travaillés traverse poétiquement les œuvres sans oublier le contrepoint de l’ivoire dans ses nuances du blanc au jaune.




Marion DELAGE

Ossements

2014

120 empreintes

Plâtre, fil de nylon, lumière

200x180 cm

Des prélèvements de peau immaculée en suspension.

Une mue volatile arrêtée, s'étend et se limite ; elle délimite, comme pétrifiée dans son élan.

Du papier blanc, la lumière éclipse la ressemblance et révèle l'empreinte, la lumière aveugle et rend visible.

La lumière-aveugle.

Mon épiderme est de plâtre, les sillons se mêlent à la trame, les lignes s’entrelacent et se noient, le creux c'est l'articulation.

C'est ce qui fait le déplacement, c'est ce qui crée l'étendue.

Le mouvement est fossile. Ou bien peut-être imperceptible, ou bien peut-être une vibration.

Les pas résonnent.

Encore ancrées au sol ; l'ombre est portée et se déporte, se transporte ; les peaux-papiers pourtant lévitent.

Les peaux-papiers deviennent diaphanes. Les peaux-papiers se font obscures.




Stéphane ÉTROIT

FR-CA-36699 098-5750 (memento2)

Série La vache morte

2014

153 fiches partiellement collées au mur

Crayon et encre acrylique sur Bristol

135x170 cm l'ensemble

FR-CA-36699 098-5750 est le numéro de traçage relevé sur la boucle d’oreille d’une vache morte photographiée aux abords d’une ferme creusoise, posée au sol, comme endormie, entre les passages des services vétérinaires et ceux de l’équarrissage… une image juste avant l’enlèvement, le dépeçage, la disparition.

Si j’ai jusqu’ici souvent peint des vaches saisies dans leur activité de rumination, je n’en peins plus jamais d’autre que celle-ci aujourd’hui à travers une série où se trouvent déclinés les supports, les techniques, les temps de réalisations… mais où la visée demeure commune : l’amoindrissement de l’image figurative comme finalité ; où la peinture ne sert plus l’image, où l’image sert la possibilité de la peinture.

Cette récente version est un ensemble de 153 fiches Bristol accolées qui reprennent le dessin précis de cette vache, son état, sa situation, son anatomie. Pour ainsi dire, je n’invente rien ou ne cherche pas particulièrement à inventer, sans doute je reprends, ne fais que reprendre un élément existant, une image déjà là, disponible et choisie. Mon attention est ailleurs ; l’image n’est qu’un motif, bien plus qu’un sujet à proprement parler, à considérer comme une interface ouvrant sur un espace lié bien sûr à la fabrique, au matériau, au moyen mis en œuvre mais surtout sur le vouloir de la peinture, son appétence. Travaillée au crayon et à l’encre blanche, la réalisation même de ce dessin atténué fait onduler le support et offre au regard une image comme en train de se défaire, perturbée par les mouvements pris par les fiches cartonnées qui se tordent, se cornent, se séparent les unes des autres et désunissent le jointoiement initial. Plus le dessin se précise dans la multiplication des traits informatifs, plus le support réagit à cette charge et génère une décomposition de l’image en cours.

L’achèvement.




Charles GALLISSOT

Sans titre

2014

Diptyque

Peinture à l'encre et noir d'ivoire sur papier

200x150 cm chaque élément

Que dire ? La couleur noire est souvent choisie par l’homme pour l’écriture.

Encre de Chine.

La culture occidentale a associé principalement le noir au renoncement involontaire du deuil. Pour moi il est associé à l’espace, au temps, à la sobriété et au mystère.

Je me méfie d’écrire sur ma peinture.

Ici pas de décision préalable, si ce n’est travailler la matérialité du noir, des noirs, comme falaise d’une mémoire.

La verticalité et l’horizontalité sont tracées, recouvertes, contrariées, pliées, froissées, chiffonnées à l’image d’une épaisseur ressentie et vivante, remise en ajournement.

Déplacement par le recouvrement des strates. La présence s’efface alors et peut renaître avec la lumière et ses variations dans le temps, à l’image de la vie, de sa fragilité, de ses transformations, de sa disparition possible.




Bernard GILBERT

Aulofées 1 et 2

2010-2014

Diptyque

Lavis, mine de plomb, fusain, peinture acrylique, peinture à l’huile

230x114 cm et 223x114 cm

AULOFÉE


Face à cette efférente étirée, j’exerce ma corporéité.
Entre de noirs délices
je louvoie
incliné par la force de Coriolis.
La douceur lissée des alizés est précieuse,
je trace.


Avis de gros grain.
Fielleuses,
les risées rafalent le dessin, ça faseye.
Les déferlantes
longues et patientes,
hachures en partance, accoulins sur grain docile.
Élimer la surface en instance.

 

Dessinateur en cécité,
d’abattées en abattées,
porté entre temps.

 

Noir jaunâtre luisant
sur bas-fond d’un noir des creux.
Entre noirs gorgés de plomb
et noirs à l’étale, entre noirs chauffés à blanc
et noirs des brisants.


Je vois incarnat


Débauche livide,
orgie de fusain
sans recours au tourmentin.


Le papier étoffe son point de rosée.

 

Aulofées.


Bernard GILBERT. Mai/Juin 2014, Temps maussade




Isabelle LE MORVAN

Mise au point

2014

Tirages plan (9 éléments), graphite,  pierre noire, craie blanche, fusain

225x225 cm

Les images de l’enfance sont parfois persistantes.
École primaire, planches Deyrolle, préhistoire.
Le crâne de L’homme de la Chapelle-aux-Saints : homme Neandertal dit Le vieillard, parmi les premiers sans doute à avoir connu une sépulture. Le sacré se met en scène.
Beauté effarée de cet os ouvert sur le sommet du crâne, trou, béance ou manque, l’imagerie convoque l’imaginaire.
Noir.
Le traitement de l’os, vanité des vanités.
Puis il s’agit de s’y perdre ou de s’en éloigner, agrandissements successifs et reprise du trait, pierre noire, craie blanche, fusain pour rabattre le volume et ouvrir de nouveaux territoires.
L’homme de la Chapelle-aux-Saints change d’échelle, 225 x 225 cm, la mise au point devient délicate, la trame de reprographie se mêle au trait, les temps sont confondus.
L’os est là, structure autant que reste, témoignage de sa propre existence sans narration, sans image. Le dessin qui lui donne encore une présence est aussi une abolition ; les trames successives ouvrent sur d’autres espaces, d’autres échelles où chacun trouve une mesure.
Les biffures noires ou blanches cherchent à perdre les repères, à altérer la mise au point. Comme une pluie, elles scandent le temps du geste, trait à trait, heure par heure. L’homme de La Chapelle-aux-Saints devient ancrage pour rêver aux ancêtres.




Thierry PERROT

Ondes

2014

Céramique, grès émaillé

Dimensions variables

Ondes de la mer.

 

Tu sculptes la roche du mouvement d’un temps qui passe trop vite.

 

Je t’empreinte pour l’éternité.

 

Strates de croissance.

 

Entre 950° et 1010° tu seras noir d’ivoire.




Étienne RIVIÈRE

De 37 à 1100

2014

Installation

Grès et charbon

200x200 cm

Le lieu abrite la matière première, des boulets noirs dans l’obscurité.

L’espace est aussi l’atelier, la transformation prend forme à l’étage.

In situ est la forge et le dépôt.

 

Le combustible est l’objet fini. La forme génère des formes à l’infini.

Le référent se consume et le tirage blanchit. Un brut et un cru donnent un cuit.

 

Trois états pour une ponctuation visuelle.

Juste évolution des choses.



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